PhM.lettres Les réécritures 2012-13 : adaptations
▲ Mise en scène de Molière, 15 février 1665 Théâtre du Palais Royal (Paris)
Don Juan (Charles Varlet de La Grange) jeune homme de vingt cinq ans, il est le porte parole de Molière : « un anarchiste » avant l'heure (Jean Vilar) !
Personnage cynique, engagé pour dénoncer les faux dévots,
il est l'instrument de vengeance contre la « rage dévote », une machine de guerre contre les tartuffes,
soutenue par le Roi...
Mais aussi le défenseur des vrais libertins ! Celui qui fait effort pour être libre.
Décidément très anti-religieux, un
« esprit fort » du XVIIe.
Don Juan (La Grange et Molière) s'adresse directement à la Compagnie du Saint-Sacrement.
Pour lui il n'y a rien de sacré : il s'amuse de tout et s'attaque à tout !
Sganarelle joué par Molière, prête sa voix et ses talents de mime pour divertir et montrer la force du théâtre ("tabac") contre tous les conformismes : le théâtre est là pour « purger les passions ». En incarnant la norme singée, il reste le « défenseur de la parole donnée » (Jean Vilar) que Don Juan bafoue trop souvent...
Elvire (Thérèse de Gorle dite Mlle Du Parc) un personnage important :
dès le début de la pièce Doña Elvire (rabaissée, humiliée, déshonorée...) est le révélateur de la scélératesse de Don Juan.
En femme noble elle incarne la passion blessée, une amoureuse capable de séduire encore... mais aussi de se refuser à Don Juan
(A.IV-sc.6).
(Charlotte : Melle Molière ; Mathurine : Melle De Brie)
▲ Mise en scène de Louis Jouvet, 24 déc. 1947 Théâtre de l'Athénée (Paris) ▲
Don Juan (L. Jouvet) « dur, hautain, sec et cassant » (Lemarchand), se présente comme l'agent d'un drame métaphysique.
Jouvet remplace (contre la tradition de Molière et Th. Corneille) le jeune homme brillant et séducteur,
en un Don Juan devenu un vieil hidalgo de 60 ans, inaccessible, cynique, impénétrable, solitaire et glacé, dénué de toute sensualité,
défiant le destin parce qu'il refuse de croire : il s'agit de peindre
« l'angoisee de l'homme vis-à-vis de son destin :
c'est de salut et de damnation dont il est question dans le Dom Juan de Molière » dit-il.
Sganarelle (Fernand René), poltron, naïf, plutôt ridicule et à la verve populaire, est écrasé (effacé) par la stature imposante de Don Juan (et Jouvet).
Elvire : (Andrée Clément) est une amoureuse chaste et pure, magnanime et détachée,
« transfigurée par la grâce mystique » (Mesguich).
« Elvire est à la fois un messager céleste et une femme qui vient sauver son amant.. »
(Louis Jouvet in Témoignages sur le théâtre) dans
l'A.IV-sc.6)
(Charlotte : Yvette Étievant ; Mathurine : Dominique Blanchar ; La Statue : Michel Etcheverry)
► Des mises en scènes (Dossier d'élèves - Abidjan 2004)
▲ Mise en scène de Jean Vilar, 15 juil. 1953 Festival d'Avignon ▲
Don Juan (Jean Vilar), « champion sartrien de la liberté sans dieu » (Vilar)
ou explorteur des conséquences de l'athéisme.
Le monde est pour Don Juan l'espace d'une liberté à exercer, absolue,
une « liberté sadienne » (Barthes) privée de Dieu par détermination profonde.
Il est seul, mais libre :
« un mousquetaire cartésien et athée » (Sandier)
dépourvu de tout caractère héroïque : égoïste, destructeur, encore
« un anarchiste » (Jean Vilar).
Il ne cherche même plus à défier ni le marchant (M. Dimanche
A.IV-sc.3
supprimée comme chez
Delcampe en 1999)
ni le ciel : il l'ignore dans ce décor de la France de Louis XIII.
Sganarelle (Daniel Sorano) « moule en creux » (Roland Barthes) de Dom Juan. Aussi important que son maître il devient ici véritablement son double : moins pleutre, il prête moins à rire sauf quand il lui manque l'art du discours que possède son maître.
Elvire (Monique Chaumette) ne manque pas de jugement ni d'orgueil ou de détachement à son tour.
Elle reste une aristocrate qui connait bien les règles de son monde : sa colère et ses menaces sont puissantes, cyniques, sans hystérie.
(Charlotte : Zanie Campan ; Mathurine : Christiane Minazzoli ; La Statue : Philippe Noiret)
► INA.fr (Extraits audio de 1956)
▲ Mise en scène de Marcel Bluwal en 1965, adaptation pour la télévision ▲
Don Juan (Michel Piccoli) la beauté du diable.
Don Juan incarne un personnage télégénique, voluptueux, sensuel,
à tout moment sincère - et donc dangereux - dans ses conquêtes multipliées ; orgueilleux,
« grand seigneur méchant homme », jamais odieux, usant de son pouvoir de séduction,
plutôt suicidaire dans sa démarche, chevauchant obstinément vers la mort.
Sganarelle (Claude Brasseur) plus jeune que son maître, fasciné par la beauté de ce diable amoureux, il réprouve par bon sens et tente, en bon disciple, de se calquer sur l'élégance de son maître alors qu'il chavauche un mulet...
Elvire (Anouk Ferjac) est une amoureuse sincère, fière, pleurnicharde parfois,
prête à reconquérir Don Juan comme à se venger...
Magnanime et fidèle elle veut également, en bonne chrétienne, sauver son mari.
(A.IV-sc.6)
(Charlotte : Josée Steiner ; Mathurine : Françoise Caillaud ; Pierrot : Angelo Bardi)
► INA.fr (Bluwal sur Dom Juan) ||||| INA.fr (Exposition) ||||| Intégrale (sur YouTube)
▲ Mise en scène de Patrice Chéreau, 3 janv. 1969 Théâtre du VIIIe (Lyon) ▲
Don Juan (Gérard Guillaumat) imbibé de marxisme : « le contraire d'une pièce mystique
[...] Dom Juan travaille à l'érosion du vieux monde féodal. » (Chéreau).
Don Juan est menacé par le ciel (les échafaudages et les machines), Elvire (et ses frères), la cabale (le pouvoir et la société)...
Alors il fuit dans une charette, chargée de malles et de sacs
(A. II)... mais pas
dans « une campagne » ni « au bord de la mer » ! (didascalies)
Il fuit un monde agressif qui le dérange sans cesse, monde décadent (La Fronde sous Louis XIII),
où "l'autre" est une occasion de violents conflits, de harcèlements qui s'enchaînent en ne lui laissant aucun répit.
Don Juan est un aristocrate libertin qui abuse de ses privilèges et se fait agresser par le peuple.
Don Juan (sadien), installé dans sa charette fuit la société morale du XVIIe par l'érotisme et la perversion.
Mais il en devient victime, assommé par une « machine pour tuer les libertins » (Chéreau)
symbole du Pouvoir...
Sganarelle (Marcel Maréchal) émanation du peuple, handicapé du langage, gros clown, une sorte de SDF lyrique, singeant son maître qu'il accompagne en tirant dans leur errance cette encombrante charette. Il précède tragiquement son maître dans cette course à la désillusion. Ce sont deux pantins manipulés (actionnés) par un peuple de bêtes brutes et de paysannes en chaleur, tous esclaves et victimes du Pouvoir : Sganarelle est encore dans le monde des vaincus...
Elvire (Roséliane Goldstein) incarne la nostalgie du passé (avant la Fronde),
elle est enfermée dans un processus qu'elle ne peut maîtriser.
(Charlotte : Michèle Oppenot ; Mathurine : Sylvie Fischer ; La Statue : Georges Gueret)
► David Whitton (Le cas Don Juan .pdf p.251) ||||| 1D-Photo (photos de scène à voir)
▲ Mise en scène de Bernard Sobel, 9 nov. 1973 Théâtre de Gennevilliers ▲
Don Juan (Didier Sandre) porte parole d'une « méditation sur l'être social » (Sobel).
Don Juan est « un jeune Blondin qui ne vaut pas grand chose, [...juste
le] révélateur inconscient d'une classe décadente » (Whitton)
Un jeune homme de vingt cinq ans, marquis au blouson doré, infatué de lui-même, grand, fort, plus jouisseur que penseur,
confronté aux événements (sketches farcesques, sérieux ou tragiques) qu'il croise.
Sganarelle (Christian Colin) n'est plus le valet complice de son maître mais plutôt un (vieux ?) serviteur aliéné par son dévouement.
Elvire (Hélène Vincent)
(Charlotte : Agathe Alexis ; Mathurine : Stéphanie Loik ; La Statue : Alain Girault)
► 1D-photo (Photos Claude Bricage)
▲ Mise en scène de Philippe Caubère, 23 déc. 1977 Théâtre de la Cartoucherie (Vincennes) ▲
Un Don Juan (Philippe Caubère) « Dom Juan chez les Marx Brothers... » : des faux nez, des moustaches, des perruques en papier crépon...
Don juan est ici un casse-cou frimeur et coureur de jupons,
« violement sexuel, essayant vraiment de violer Charlotte ou de se refaire Elvire » (Ph. Caubère)
Il est entre le tragique (face à Elvire), le comique (face à Sganarelle) et la farce (face à Charlotte),
écartelé entre ces registres, même lors de sa mort.
Don juan « c’est un homme qui détient une vérité intime et fondatrice de toute la vie :
l’objet aimé n’est jamais tant aimé que lorsqu’il est naissant. »
Sganarelle (Maxime Lombard). Personnage de farce avec l'accent marseillais, il entre en pétant (A.I-sc.1) et son insouciance fait qu'il n'a peur de rien !
Elvire (Clémence Massart), c'est « un personnage de tragédie mis de force dans une comédie,
ce qui est d’une cruauté extrême, épouvantable. »
(Charlotte : Clémence Massart ; Mathurine : Françoise Jamet ; La Statue : Jean-Claude Bourbault)
► Entretiens de Philippe Caubère avec Annick Le Mortellec (Café Le Régent à Bordeaux en 2003)
▲ Mise en scène de Antoine Vitez, 17 juil. 1977 Festival d'Avignon ▲
Un Don Juan (Jean-Claude Durand) athée, violent, lourdement maquillé, profondément narcissique et doublé d'un véritable hypocrite : il n'est qu'un masque, une apparence. Épris de lui-même, de son authenticité, il se transforme et change de comportement selon ce qu'il veut jouer devant les autres : bourreau d'Elvire, sadique devant le pauvre, énigmatique, arrogant, cynique, masochiste... Masque qui regarde la vie sociale comme une comédie cruelle ou dérisoire et ne veut qu'en jouir. « Ce n'est plus Molière revu par Brecht. L'accent est mis ici sur la pure théâtralité [...] La nouveauté est dans l'excès » (Guy Dumur)
Sganarelle (Gilbert Vilhon) personnage veule perdu entre la farce et la peur.
Elvire, le spectre (Nada Strancar) manipulée par un Don Juan sexuellement cynique, aux prises avec le
syndrome de Stockholm ?
(Charlotte : Dominique Valadié ; Mathurine : Janie Castaldi ; La Statue : Antoine Vitez)
► INA.fr (Théâtre de la Porte Saint-Martin - A.I-sc.3) ||||| Nouvel Obs (article de G. Dumur - pdf)
▲ Mise en scène de Roger Planchon, 29 avril 1980 TNP (Villeurbanne) et Théâtre de l’Odéon (Paris) ▲
Don Juan (Gérard Desarthe) refuse d'étouffer dans l'Europe chrétienne du XVIIe siècle. La dimension religieuse de la pièce est donc fortement marquée. Or Dom Juan ne veut pas entendre parler de Dieu, peut-être parce que « cela troublerait sa vie de plaisir » (Bertolt Brecht). Il incarne ici « un méchant [homme] qui dit non à cette société, et qui n'est d'accord sur rien [...] Il n'est qu'une pensée et une parole. Il n'existe que contre » (Planchon). Un hors-la-loi, « une espèce de vampire désinvolte et orgueilleux, damné et fier de l'être, un militant du blasphème, imprécateur cruel en cuir noir [...] archange de mort devant qui tout le monde se fracasse. » (G. Desarthe)
Sganarelle (Philippe Avron) qui se donjuaniserait avec une dose de rêverie lunaire ?
Elvire (Béatrice Agenin / Brigitte Fossey) résolue aussi dans sa foi, mais elle aussi une hors-la-loi parce qu'elle a quitté son couvent.
(Charlotte : Cathy Boset ; Mathurine : Dominique Messali)
► INA.fr (Avignon : Dom Juan et Athalie - Planchon)
▲ Mise en scène de Benno Besson, 5 mai 1987 Maison des arts (Créteil) ▲
Don Juan (Philippe Avron) dans une représentation plus pour mettre en valeur un jeu d'acteurs que des intentions critiques...
Philippe Avron prête une voix de fausset aigrelette et ses compétences à une farce grotesque où tout est dérision...
Don Juan est un petit marquis poudré à la perruque blondasse, un parasite social affirmé, égoïste ridicule, dangereusement séduisant,
qui descend aux enfers avec le sourire aux lèvres et qui veut y entraîner son valet :
il « provoque continuellement Sganarelle. Pour exorciser sa peur. Il se décharge sur lui. » (Carlo Brandt)
Sganarelle (Carlo Brandt) à la voix grave ; comme un idiot de village, au croisement de toutes les turpitudes, sa forte carrure semble porter tout le poids du monde... « Silhouette cassée, tourmentée, sans cesse en extase devant son maître, mais habitée sourdement par la peur. » (J.M. Olivier)
Elvire (Juliana Samarine) se comporte « en amazone mangeuse d'hommes puis en hystérique lorsqu'elle sait Don Juan perdu pour elle. » (David Whitton).
(Charlotte : Sylviane Simonet ; Mathurine : Françoise Couvoisier ; La Statue : )
► Dom Juan (David Whitton, en anglais)
▲ Mise en scène de Jacques Lassalle en 1993 Comédie Française (Paris) ▲
Don Juan (Andrzej Seweryn) « un homme sensuel, ivre de bonheur, de désir, d'envie [...] Une lecture pascalienne de l'œuvre » (Lassalle) avec un Don Juan impétueux, apostrophant le ciel... Mais être libre sans mentir est impossible : il reste à mourir ! Don Juan ici est un personnage sincère qui « n'a pas de projet révolutionnaire, il ne veut pas bouleverser la société, [...] un esprit simple qui refuse l'hypocrisie, [...] un homme capable d'aimer deux femmes en même temps, avec légèreté, émotion, sensualité. » (Seweryn)
Sganarelle (Roland Bertin) complice, généreux et farcesque, fasciné et révulsé.
Elvire (Jeanne Balibar) douée d'un certain masochisme « une fille qui vient se faire humilier, et qui reste » (Jeanne Balibar)
(Charlotte : *** ; Mathurine : *** ; La Statue : )
► INA.fr (Présentation 1) ||||| INA.fr (Présentation 2) ||||| Molière vu par Lassalle (YouTube)
▲ Mise en scène de Mesguich en 1997 Théâtre de la Métaphore (Lille) ▲
Un Don Juan (Daniel Mesguich ?) « préfachiste » déclare-t-il.
Ses discours sont accompagnés en voix off d'enregistrements de Jouvet vitupérant...
Sganarelle (Luce Mouchel) habillée en homme. Femme, Sganarelle apporte dans la relation entre le valet et son maitre une bonne dose d'ambiguïté et met en scène le « seul couple indissoluble » (J. Scherer) avant la mort du maître. Séductrice et valet elle devient « La Femme inaccessible » pour Don Juan (Daniel Mesguich). Cette féminisation du valet induit encore des déplacements de sens quant aux répliques, tant dans la sc.2 de l'acte I que dans la sc.1 de l'acte III : le « vin émétique » deviendrait alors une parabole sur le désir ?
▲ Mise en scène de Jacques Weber en 1997 pour le cinéma. ▲
Don Juan (Jacques Weber) un aventurier épris de liberté dans l'Espagne du XVIIe siècle.
Weber en Don Juan demeure plein de morgue, mais il est (comme chez
Chéreau) en fuite continuelle :
usé, dépenaillé, « à la recherche de certitudes » (Weber).
Dans cette fuite il va, par étapes, d'échecs en échecs puis à la mort, mais sans le savoir.
Sganarelle (Michel Boujenah) même lui (étonnant Boujenah) ne croit plus en Don Juan : il est le témoin des singeries de son maître, mais jamais dupe : il sait qu'on lui a tout volé et semble même savoir ou tout cela les mènera...
Elvire (Emmanuelle Béart) belle, orgueilleuse, amoureuse, dédaigneuse...
(Charlotte : Ariadna Gil ; Mathurine : Pénélope Cruz)
► Dom Juan cadré par Jacques Weber (texte) ||||| Souvenirs de Cheval (Michel Boujenah)
▲ Mise en scène de Armand Delcampe en 1999 abbaye de Villers-la-Ville ▲
Don Juan (Didier Colfs) "fait l'acteur", il joue des rôles dans quelques saynètes.
Frondeur, comique, un peu poseur, il est une sorte de grand enfant, un grand gamin un peu efféminé qui veut tout :
intelligent mais irresponsable ("aveugle jeunesse"), joueur et non coupable, il ne comprend pas bien pourquoi ses jouets se cassent un par un.
Sganarelle (Léonil Mac Cormick) valet et confident, ami de Don Juan, « le regard du peuple » (Colfs), est lui aussi "un cœur sincère". Il ne partage pas les raisonnements de son maître mais s'étonne toujours de voir la "mécanique Don Juan" fonctionner... Ni l'un ni l'autre ne semblent vraiment concernés par les dégâts que Don Juan occasionne.
Elvire (Isabelle Roeland) belle, chatoyante, richement habillée : ne manque pas de violence ni de sincérité.
Pourquoi la scène avec Monsieur Dimanche est-elle absente ? Comme chez
Vilar
(Charlotte : Isabelle Defossé ; Mathurine : Nathalie Hanin ; La Statue : Marcel Gonzalez)
► Bande Annonce ||||| Extraits (A.V-sc.1-2)
▲ Reprise de Jacques Lassalle en 2002 (Comédie Française, Paris) ▲
Andrzej Seweryn (dix ans après) en un Dom Juan qui
« ne croit plus en rien, ne croit plus en lui [qui] ne sait plus s’il a raison. Sa démarche est suicidaire.
Il marche dans un désert, en toute conscience va vers la mort comme vers sa seule certitude.
Voilà en quoi il continue de provoquer, de déranger :
[mais] il parle avec des mots qui n’appartiennent pas à [notre] langue de bois » (Lassalle 2002)
Vraiment « un grand seigneur méchant homme » ou, comme le dit Lassalle « un crachat endiamanté ».
Don Juan « est dans une sereine et tranquille détermination d'athée, d'impie, de libertin et d'étrange méchanceté. » (Lassalle).
Il traverse un siècle aussi absurde que tragique, un homme sensuel, ivre de bonheur, de désir, d'envie et il devient cet
« infatigable interlocuteur d'un ciel silencieux [... il] est celui qui abîme, dégrade, déstabilise
[... et] fait croire à l'enfer ». (Lassalle).
Sganarelle (Thierry Hancisse) joue le témoin craintif, sérieux mais très attentif ; émotif, joyeux drille, le seul véritable interlocuteur patient face à la fougue déterminée de son maître. La Violette (une actrice, Johan Daisme), laquais de Don Juan, est très présente pour seconder Sganarelle dans sa fonction première.
Elvire (Françoise Gillard) amoureuse certes mais grandie par la maturité ;
sensuelle, éplorée
(A.IV-sc6)
mais moins excessive, plus féministe (ou plus femme ?) et mieux déterminée dans ses refus.
(Charlotte : *** ; Mathurine : *** ; La Statue : )
► TNB, théâtre actuel ||||| Charlotte et Mathurine (A.IV-sc.6 extrait YouTube)
▲ Mise en scène de Mesguich en 2002 Théâtre Athénée-Jouvet (Paris) ▲
Don Juan (Daniel Mesguich ) : « Seul Don juan voit le surnaturel » (Daniel Mesguich ).
Don Juan halluciné est « une sorte de mystique nietzschéen, pour qui la quête du féminin et la quête de Dieu se confondent » (WikiPédia).
Mais cette reprise de 2002
« tout en prolongeant les expérimentations de celle de 1996, fait une place plus importante au burlesque » (WikiPédia)
Don Juan mourra par là où il a péché, écrasé par des statues de femmes...
Sganarelle (Christian Hecq) pitre, obéissant complice attendri de Don Juan, fait même rire son maître (...et Mesguich !). Il retrouve un profil féminin, en se travestissant en infirmière (A.III-sc.1)
Elvire (Anne Cressent) jeune femme perdue et éplorée, amoureuse sûrement, pleurnicharde aussi.
(A.I-sc.3).
Amoureuse, déchue et détruite
(A.IV-sc.6).
(Charlotte : Florence Muller ; Mathurine : Ariane Moret ; Les Statues : Maria Clark, Catherine Derrien, Maria Nozières)
► Bande annonce ||||| l'infirmière (Hecq)
▲ Mise en scène de L. Rogero en 2004 Théâtre TnBA (Bordeaux) ▲
Don Juan Laurent Rogéro en solo.
« Le comédien et metteur en scène bordelais, Laurent Rogero,
a pris le parti d'un Dom Juan en solo.[...]
Laurent Rogero interprète Don Juan à visage découvert, Sganarelle masqué ;
tous les autres personnages deviennent des excroissances de son corps :
deux bras, une cape, deux boules d'argile hâtivement modelées et les paysannes se crêpent le chignon ;
un socle rouge et la statue du commandeur s'ébranle... » (Catalogue TNBA 2004-2005)
« Ce qui me frappe dans la lecture de ce texte,
c'est le mouvement qui le traverse : la fuite en avant.
Ce mouvement passionné autant que mortifère me rappelle un type d'homme moderne : libéral, pressé,
à l'affût de la satisfaction immédiate de ses pulsions dominatrices,
fuyant toute responsabilité des conséquences de ses actes.. » (Laurent Rogero)
► Rogero (extraits - en solo) ||||| Compte rendu du spectacle (Chloé Chabaud)
▲ Mise en scène de René Loyon en 2011 Théâtre de l’Atalante ▲
Don Juan (Clément Bresson) « la métaphore d’un voyage immobile,
celui de Dom Juan en quête de lui-même.. » (Loyon)
Dans un huis clos : une chambre
« Métaphore de l’intériorité, du cerveau, de la mémoire [...]
figure triomphante de l’imaginaire romantique et plus encore symboliste »
qui devient
« le lieu de tous les paysages imaginés [...]
Dom Juan attend son rendez-vous avec le Ciel comme d’autres attendront Godot.
Et tout se passe dans l’univers feutré, confiné de la chambre… »
Dom Juan nous apparaît
« en personnage traqué philosophant avec son valet Sganarelle [...]
dans ses contradictions-mêmes et ses ambivalences » (Loyon).
Chaque personnage, au détour de chaque rendez-vous,
« est convoqué pour dire la singularité de son rapport au monde » (Loyon).
Don Juan est condamné à ne plus s’arrêter sur son chemin :il épuise toutes les possibilités...
Sganarelle (Yedwart Ingey) « nous convie au spectacle de cette humanité à la dérive, condamnée à une espèce de gesticulation insolite. »
Elvire (Claire Puygrenier) sans distanciation et pathétique,
elle raconte son étape, comme chacun au long de cette étrange aventure.
(Charlotte : Claire Barrabes ; Mathurine : Claire Puygrenier ; La Statue : Jacques Brücher)
► Loyon parle de Don juan (audio de 2012) ||||| La pièce (extraits)
Φ Mise en scène de Miléna Vlach en mai 2011 Compagnie Aigle de Sable
▲
Don Juan (Alexandre Palma Salas) un personnage négatif et positif, dans la tradition de Molière.
Don Juan explore le chemin de la « liberté de penser et d'exprimer son avis sans être inquiété » (Miléna Vlach)
Sganarelle (Maxime Vambre)
Elvire (Miléna Vlach)
(Charlotte : Audrey Saad ; Mathurine : Miléna Vlach ; La Statue : Henri Vatin)
« La vraie nouveauté c'est cette armoire qui se transforme en... carrosse » (M. Vambre)
► Présentation (et extraits vidéo) ||||| A.II-sc.3
▲ Mise en scène de Julie Brochen en 2011 Théâtre National de Strasbourg ▲
Don Juan (Mexianu Medenou) dans un monde qui ressemble à une écurie :la scène est recouverte de terre...
Dans cette interprétation Don Juan refuse de calquer sa conduite aux normes de son temps .
« Homme d'esprit plus que de chair,
il vit son absolu besoin de liberté à la fois comme une vision politique et comme un jeu. [...il]
cultive un besoin de confrontation maladif avec tout ce qui semble "établi" »
(Dossier pédagogique).
Mais, dans une partie d'échecs le Roi est fragile :
fidèle à lui-même (mais non aux autres) l'on voit Don Juan (coléreux), manquant de recul,
perdre ses protections et sa fin arrive comme un couperet.
« On doit pouvoir vivre cette pièce comme un western où Clint Eastwood serait poursuivi pendant un jour et demi avant de mourir.
J’avais envie que la mort de Dom Juan soit une catastrophe qu’on voit arriver ». (Julie Brochen)
Sganarelle (Ivan Herisson) « est drôle parce qu’il est angoissé ». Il demeure un clown triste, veut sauver Don Juan et l'amener dans les cases de sa pensée tout en étant curieux de vivre par procuration les aventures de son maître. « lâche à souhait, désespérément lucide, aussi servile que drôle ». (Audrey Chaix)
Elvire (Muriel Inès Amat) « une jeune fille socialement excisée » (Julie Brochen)
(Charlotte : *** ; Mathurine : *** ; La Statue : une femme)
► Dossier pédagogique (T.N.S.) ||||| Critique (C. Bourleaud) ||||| Extraits (T.N.S.) ||||| Julie Brochen
----- Webographie (liens valides en nov. 2013) -----